Gaël Bonnefon vit à Toulouse et forme un clan avec des appareils compacts argentiques et des caméras Super 8. Il les trimballe sur son tableau de bord et ouvre des obturateurs. Il est photographe deep immersif, deep jeep, deep minor. Ce qui signifie : qu’il a besoin d’un appareil photo pour voir comme on a besoin de chaussures pour marcher. Qu’il explore les endroits les plus cabossés possibles en se frottant contre les murs. Qu’il recherche et provoque dans la banalité une intensité qui vous rend silencieux, avec presque les larmes aux yeux. Immergé tel un bathyscaphe dans la fosse des insanes, ses images sont des respirations à la surface, des allumettes craquées au coeur de la nuit. En regardant ses photographies, on capte des instants dérisoires sauvés de l’oubli et rendus spectaculaires. Cette pirouette stylistique est le fruit d’un long travail d’écriture avec les images, que Gaël Bonnefon ordonne en pièces de théâtre : “About Decline” est composée en plusieurs actes et “Elegy for the mundane” en est l’une de ces parties, présentée en extrait dans ce Buzz Pack 44. Il orchestre un déclin perpétuel sur lequel on rebondit, d’images en images. Usé, cassé, mais debout, encore ! Un crépuscule sans fin. Et petit à petit, image après image, une fastueuse mélancolie se déploit. Et nous pouvons, pendant un petit moment, tanguer dans un bateau qui flotte sur une mélancolie qui n’est pas la nôtre. La si douce alter-mélancolie. Au-dessus de ce lac, Gaël Bonnefon est dans sa voiture, il coupe le contact mais laisse la musique, The Raphael Imbert Project, il monte le son et écoute He nevuh said a mumbalin’ word. Il nous regarde tanguer dans nos barques en attendant la nuit qui finit toujours par arriver, joue un peu avec les phares. Il mesure l’épaisseur de l’ombre.
Ecouter He nevuh said a mumbalin’ word du Raphael Imbert Project
Photographie de Damien Daufresne. Site de Gaël Bonnefon.
Portrait publié dans le Buzz Pack 44 en avril 2017 (Caen)
Ecouter le portrait lu, un montage sonore de Louise Ganot