Lison de Ridder est née dans un lit douillet, dans une chambre peinarde, dans une ville tranquille. C’est peut-être un détail pour vous mais pourtant ça veut dire beaucoup. Imaginez la couette, votre genou légèrement relevé forme un monticule. Vous bougez votre genou un tout petit peu vers la gauche et le col s’écroule et devient vallée. Avec votre main, vous formez un cornet que vous collez contre votre œil. Vous regardez la crète. Vous voyez de plus en plus de détails, vous vous imaginez en balade dans cette chaîne de montagnes. Le temps s’étire, l’espace aussi… et vous loupez votre bus. Une partie importante du travail de Lison de Ridder consiste à regarder en détail le monde qui l’entoure. Elle zoome, zoome, dézoome. Elle raconte des histoires en plan rapproché. Lison de Ridder est artiste et vit à Rouen. Elle a étudié aux Beaux-arts, comme on disait à l’époque. Elle a réellement, tout le temps, une craie dans sa poche pour pouvoir dessiner quand elle veut. Pas un jour sans tracer des lignes, c’est une discipline assez balèze ! Ça la maintient en bonne santé comme la piscine, et une craie c’est plus pratique à trimballer qu’un maillot de bain, dit-elle. La collection des gestes, c’est juste une écriture du temps qui passe et des gens qui bougent, ajoute-t-elle. La simplicité, la vitalité et la justesse de ses raisonnements se retrouvent dans le collectif HSH dont elle fait partie. Dans leur atelier commun, les travaux des un.e.s peuvent rencontrer ceux des autres, la confiance règne. Et, au fil des années, des petits ruisseaux d’idées sont devenus des rivières d’images. Entre eux, le vaste système de vases communicants qui existe leur permet de se laisser aller à proposer des doutes et ils trouvent des nouvelles pistes de recherche. Lison de Ridder a encore mille choses à raconter, à montrer, à collecter, mais ne se laisse jamais déborder. La couette, le lit douillet, feront toujours obstacle à la grande roue du temps qui passerait entend-on, en écrabouillant tout sur son passage. Lison a son armure. Comme bouclier, Philippe Katerine chante Les enfants de moins de trois ans dans le poste à musique de sa chambre. Comme certitude, sa couette montagneuse qui déploit ses monts et merveilles indéfiniment. Et puis enfin, comme surprise, peut-être la tête d’une toute petite personne qui viendra lui faire coucou.


Ecouter Les enfants de moins de trois ans de Philippe Katerine
Dessin de Lison de Ridder
Portrait publié dans le Buzz Pack 51 en février 2018 (Caen)
Ecouter le portrait lu, un montage sonore de Noëmie Hêre