Eunbi Cho est née à Anyang, à vingt kilomètres au Sud de Séoul. Aujourd’hui elle vit à peu près à la même distance de Paris, un peu plus près d’ici. Dans les deux cas, si elle devait faire vingt kilomètres à pieds, peut-être mettrait-elle un mois ou même trois. Parce que quand elle marche, elle regarde toujours le sol pour voir s’il y a des choses intéressantes, et elle en trouve beaucoup, partout, tout le temps. Non seulement elle les voit, tous les petits débris qui se perdent, mais elle les ramasse. Elle a des poches et une sacoche, pas les pétoches. Aller viens là, petit sachet de BN, ta vie n’est pas finie ! Tous ces débris, elle les conserve dans des boîtes, sans les classer spécialement. À l’occasion, elle les sort et les expose au grand jour. Elle forme des espaces à partir de ces objets revenus de loin. Elle les rend visibles de nouveau et forme les espaces les plus fragiles qui puissent exister. Tous ces fragments forment des allusions à des formes plus grandes, et par évocations nous pouvons construire des images, des paysages. Elle fabrique aussi des maquettes, des scaynètes minuscules et prolifiques à la fois. C’est une partie du travail d’Eunbi, qui à l’Esam de Caen, étudiante, fréquentait tous les ateliers avant tout pour amasser les chutes des travaux des autres. Œil de lynx, Sherlock des détails, Eunbi a plus d’un tour dans son sac. Elle est illustratrice aussi et nous propose, dans ce Buzz Pack #54, une série de dessins d’animaux pas méchants mais pas sages. Les animaux mignons qui peuplent Youtube se rebiffent et envoient valdinguer la nappe, celle qu’on aimait bien, avec le vase dessus et la tarte qu’on voulait manger ce soir. Le chat parti et les souris qui dansent, tel est le cadre planté là. Eunbi Cho nous offre un petit chaos d’objets cassés par les cute cats and dogs we love. What a mess ! What a mois de mai ! Mais oui, faisons ce qu’il nous plaît et demandons l’impossible pardi. C’est la tortue croqueuses de tomates qui le dit. Si vous aviez un animal totem, quel serait-il ? Pour Eunbi ce serait le paresseux, parce que bien que totalement simple et atone, il arrive à mener sa vie en paix, sans chasser, sans s’enfuir, sans courir. Il vieillit lentement et sourit tout le temps. Peut-être parce qu’il a la tête à l’envers tout le temps. Comment voit-il le monde ? Telle est la question que se pose Eunbi en sortant dehors avec son chien Bori, dans le parc en bas de chez elle. Il commence à faire chaud, alors les gens sortent sur les bancs, le soir, en tongs, et discutent. Eunbi écoute Comforting Sounds de Mew et s’assoit aussi sur un banc. Une petite fille laisse échapper son ballon, une dame cherche sa boucle d’oreille sur la pelouse,  et Eunbi sourit. La vulnérabilité des objets s’offre à elle sans cesse.


Ecouter Comforting Sounds de Mew
Voir le travail d’Eunbi Cho
Ecouter le portrait lu, un montage sonore de Noëmie Hêre
Ce portrait a été réalisé pour le Buzz Pack 54 publié en mai 2018 (Caen)